jeudi 15 mars 2007

Comme si nous n'avions jamais existé

Dans la série "j'allume la télé et j'attends qu'il se passe quelque chose" voici ma dernière trouvaille: San Fransisco (1936), un film de W.S. van Dyke. Nous sommes à San Fransisco en 1906 et cette comédie dansante et chantante nous emmène d'abord dans les coulisses d'un cabaret à la mode ou Clark Gable et Jeanette Mac Donald se côtoient avec malice, usant d'un langage vert à souhait, tout cela avant de tomber profondément amoureux. La fin de l'histoire sombre bien inévitablement dans la tragédie lorsque le fameux tremblement de terre de 1906 secoue la fière et belle San Fransisco pour n'en laisser que des décombres.

La fin du film comporte deux plans qui ont été réutilisés récemment par de grands réalisateurs:

Les survivants du tremblements de terre se sont réfugiés en dehors de la ville. On annonce "l'incendie est contrôlé!!". A ce moment-la une foule de survivants émerge en ligne d'une colline, exactement de la même façon que Spielberg l'a filme à la fin de La liste de Schindler lorsque les survivants de Schindler apparaissent à la limite de la colline.

Tout de suite après cette scène on annonce que la ville de San Fransisco a été entièrement détruite par les incendies, puis l'on voit la ville actuelle (en 1936, au moment ou le film a été tourné) avec ses gratte ciels: c'est époustouflant et véritablement émouvant même pour une spectatrice made in 2007. Or, la même scène a été reproduite par Scorsese dans la dernière image de Gangs of New York. Amsterdam (Leonardo Dicaprio) et Jenny (Cameron Diaz) rescapés de la tueries des gangs, regardent du haut d'une colline la ville de New York. Amsterdam dit "... Et quoi qu'ils fassent pour reconstruire cette ville, à jamais, ce sera comme si nous n'avions jamais existé". Puis la ville de New York d'aujourd'hui (2002) apparait sur l'écran dans toute sa splendeur, créant un moment final puissant et plein d'émotions.



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samedi 3 mars 2007

Moi et l'administration des postes

Je suis des cours à l'université et quand je dois rendre un devoir, c'est toujours plus ou moins le même topo. A la dernière date d'envoi autorisée, je le termine à la dernière minute et rapplique à la poste dix minutes avant la fermeture pour surveiller de mes propre yeux le tamponnement de l'enveloppe et hop ... je peux passer à autre chose.

Je suis comme çà. Pour pouvoir fonctionner il faut que je sois stressée à bloc. Comme je ne suis pas forcement tout le temps stressée il faut que je compte sur mes propres capacités de survie pour provoquer la venue du stress. J'attends donc jusqu'au dernier moment, jusqu'au moment fatidique ou avec stupéfaction, que dis-je avec horreur, je réalise que mon devoir est a à rendre dans 2 jours et je n'ai rien lu et rien fait. S'en suit une montée d'adrénaline qui ne ferait pas déshonneur à un pompier devant un immeuble en feu. Branle bas de combat. Alertés par une alarme sécrète mais assourdissante, les produits chimiques liés au stress se mettent en action et sont propulsés dans mes méninges à la vitesse du son: je lis, je réfléchis, j'écris, je suis heureuse, c'est magnifique. Cette excitation et profusion intellectuelle durera exactement jusqu'au moment ou la-dite enveloppe contenant le-dit devoir sera compostée par la postière.

Pourtant la dernière fois que je me suis précipitée à l'entrée de la poste, un peu avant la fermeture, une surprise m'attendait: elle était fermée.
"Comment çà fermée?" J'étais incrédule.
L'agent de sécurité me dit "on ferme à 18.00 heures".
"Mais non vous fermez à 18.30 heures" dis-je.
"Plus maintenant" dit-il "on a changé les horaires".
"Mais comment je suis sensée deviner que vous avez changé les horaires? Mon devoir doit être composté aujourd'hui".
"Désolé madame, c'est fermé, je ne peux rien faire pour vous".

Je vous passe la description de la crise que j'ai piquée. Je dirai seulement qu'après dix longues minutes de harcèlement phénoménal, l'agent de sécurité m'a regardée une dernière fois dans les yeux et m'a dit sèchement:
"Donnez-moi votre enveloppe et l'argent pour le timbre".
Il est rentré dans le bureau, il a fermé la porte d'entrée à clé derrière lui et deux minutes plus tard il est revenu avec la monnaie. Et moi je l'ai couvert de remerciements.

Je suis repartie à moitié en colère et à moitie honteuse du cinéma que j'avais fait à ce pauvre garçon. Mais basta ... ma mission était accomplie et mon devoir avait été expédié dans les temps ... comme une lettre à la poste ... ou presque.


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jeudi 15 février 2007

Mon petit cinéma II

Bien des critiques se sont penchées sur le film de Noémie Lvovsky, Les sentiments. Dans un premier temps il faut lire ce film à travers son titre, c'est à dire à travers le coeur. "On ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux." confia le renard au petit prince. Mais , mais oui, se dit-on, on a le droit d'être heureux. C'est un droit élémentaire. Et puis de toute façon , qui peut empêcher notre coeur de battre? Et bien justement ...

La frontière entre l'art du bonheur et la certitude du malheur est bien fluide dans une société normative ou devenir adulte ne se conjugue pas avec devenir adultère. Il aurait fallu pour perpétuer le bonheur que nos protagonistes amoureux soient des héros de bandes dessinées ou des personnages mythiques transportés un beau matin sur une autre planète ou échoués sur une ile non-répertoriée par les cartographes.

Nulle doute que Jacques et Edith revenus sur la terre ferme, auront séché leurs larmes. Sans doute pas tout de suite. Mais d'autres à leur place, époux, amants, amis, se seront entre temps apprivoisés de par le monde.

"Tu n'es pas d'ici, dit le renard, que cherches-tu!
-Je cherche les hommes, dit le petit prince. Qu'est-ce que signifie «apprivoiser» ?
-Les hommes, dit le renard, ils ont des fusils et ils chassent. C'est bien gênant! Ils élèvent aussi des poules. C'est leur seul intérêt. Tu cherches des poules ?
-Non, dit le petit prince. Je cherche des amis. Qu'est-ce que signifie «apprivoiser»?
-C'est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie « créer des liens... »
-Créer des liens ?
-Bien sûr, dit le renard. Tu n'es encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n' ai pas besoin de toi. Et tu n'a pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde...
-Je commence à comprendre, dit le petit prince. Il y a une fleur... je crois qu'elle m'a apprivoisé..."



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vendredi 2 février 2007

Mon petit cinéma I

L'année dernière j'ai commis une grave erreur: je me suis inscrite à un cours de cinéma. C'était un cours intitulé humblement "Introduction à l'art cinématographique" qui s'inscrivait dans mon cursus comme une unité de valeur libre. Moi qui savais distinguer un gros plan de Fellini, un angle de Kubrick ou une ombre de Truffaut, comme d'autres savent choisir des pommes à l'étalage d'un maraicher, je m'étais dit " je vais acquérir quelques connaissances techniques, çà me fera du bien". Hélas ... Presque un an après cette triste aventure, j'en suis encore toute déconfite.

Au début du semestre tout allait comme sur des roulettes. Ma classe étant surtout peuplée de personnes nées après 1980, je n'avais aucun mal à subjuguer, bien malgré moi bien entendu, toute cette petite jeunesse de-culturée de mes vastes connaissances cinématographiques. Le professeur, au moins de 15 ans mon cadet, me lançait parfois un regard fatigué qui laissait deviner quelques pensées désabusées du genre "mais qu'est-ce que je fais ici à enseigner a ces illettrés". C'était encore le tout début du semestre.

Je crois que c'est après l'étude des plans et des angles que tout à coup quelque chose a basculé. Je regardais un film à la télé ou au cinéma et je commençais à disséquer, à diviser, à analyser. Je ressentais comme un malaise, comme un gout d'ennui, de solitude. Au début je pensais que c'était juste cette fois-là. J'avais décortiqué des images et des lumières pour mieux les comprendre. C'était tout. Juste cette fois-là ...

Non , au début je n'ai pas compris ce qui m'arrivait. Et puis quand il a fallu rendre un devoir pour mon cours "d'introduction à l'art cinématographique", je ne l'ai pas rendu. Le deuxième non plus. Quand il a fallu rendre le troisième devoir je n'allais plus en classe. J'étais en rage. J'avais perdu une des choses qui m'était la plus chère: l'amour du cinéma.

L'amour du cinéma c'est comme l'amour tout court. C'est le moment qui passe qu'il faut attraper en vol, comme une volée d'éperviers, comme des nuages fabuleux qui passent et se déplacent. C'est a ce moment-là qui ne dure qu'un instant, ou trois jours ou quelques semaines ou toute une vie, c'est à ce moment-la qu'il faut être heureux. Or, je ne savais plus attraper les rapaces en vol, je ne savais plus rien. Je voyais des prises de vue, des séquences, des mouvements de camera, là ou autrefois je voyais le plaisir, la beauté, le bonheur.

Je ne vais presque plus au cinéma depuis. je ne loue plus de cassettes. Je ne veux plus. Je me comporte comme une jeune fille échaudée par une méchante histoire de coeur, comme une demoiselle des banlieues à qui l'on aura joué un mauvais tour et qui se sera jurée qu'on ne l'y reprendra plus.

Et puis hier j'ai vu " Les sentiments" de Noemie Lvovsky et quelque part au fond de moi je me suis dit: "J'étais la reine du monde ... et je me souviens de tout".


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dimanche 28 janvier 2007

8 femmes III : Mon amour, mon ami

Troisième volet de la série 8 femmes avec la chanson d'Edmond Bacri interprétée par Virginie Ledoyen.






Toi mon amour, mon ami
Quand je rêve c'est de toi
Mon amour, mon ami
Quand je chante c'est pour toi
Mon amour, mon ami
Je ne peux vivre sans toi
Mon amour, mon ami
Et je ne sais pas pourquoi


Je n'ai jamais été du genre à dire "je ne peux vivre sans toi". C'est une idée qui ne m'est jamais venue à l'esprit de ne pouvoir vivre sans quelqu'un. On peut vivre sans quelqu'un. Et puis un jour de novembre, il y a un peu plus de trois ans, cette invulnérabilité a déménagé au grenier: c'est le jour ou mon fils est parti à l'armée. Et pourtant, j'avais vu mon mari, dans les années 80, partir au combat bien loin, me laissant avec un bébé de 3 mois sur les bras, puis l'année d'après 2 bébés sur les bras, l'année d'après 3 et ensuite 4. Les nuits étaient longues certes, l'attente fragile et pesante. Je n'ai jamais eu peur pourtant. La possibilité de vivre sans lui ne m'a pas effleurée. Mais deux décennies plus tard le bébé qui était sur mes bras quand son père partait au Liban était à son tour mobilisé. Une mère ne peut pas vivre sans son enfant.

Je n'ai pas connu d'autre garçon que toi
Si j'en ai connu je ne m'en souviens pas
A quoi bon chercher faire des comparaisons
J'ai un coeur qui sait quand il a raison
Et puisqu'il a pris ton nom


Je m'en souviens, je ne m'en souviens pas. Heureusement la mémoire sait jouer à cache-cache. Je me demandais toujours pourquoi de ses souvenirs d'enfance ma mère ne parlait que d'embrassades, de fou-rires, de courses dans les champs en fleurs, d'escapades en calèche vers Varsovie. Pourquoi une telle mémoire sélective alors que les pogroms et l'antisémitisme faisait rage à sa porte? Ma mère avait choisi ses souvenirs; j'ai choisi les miens.

On ne sait jamais jusqu'où ira l'amour
Et moi qui croyais pouvoir t'aimer toujours
Oui je t'ai quitté et j'ai beau résister
Je chante parfois à d'autres que toi
Un peu moins bien chaque fois


Le seul homme que je n'ai pas quitté est le Guerrier Ottoman. Vous me direz ... c'est un peu la vérité de la Palisse ça... Quand je ne quitte pas je m'attache trop. Le comte de Valmont a eu le même problème et sans vouloir me ridiculiser au point de me comparer à lui ... je le comprends. Quand il a aimé, pour la première fois de sa vie, il n'a pas survécu. Je me demande pourquoi mourir d'amour ce n'est plus à la mode.

Toi mon amour, mon ami
Quand je rêve c'est de toi
Mon amour, mon ami
Quand je chante c'est pour toi
Mon amour, mon ami
Je ne peux vivre sans toi
Mon amour, mon ami
Et je ne sais pas pourquoi


Pas de regrets. Quand il faut partir, on part. Quand il faut rester, on reste. Quand il faut malgré tout chanter, on chante. La seule chose qui ne se commande pas , c'est le rêve. Les rêves nous disent la vérité et nous remplissent d'espoir contre toute raison et logique. Mais est-ce la chance ou la malchance, je me souviens bien rarement de mes rêves.


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samedi 20 janvier 2007

8 femmes II : Pile ou face

Je continue la série 8 femmes avec la chanson de Jean-Louis d'Onofrio, chantée par Emmanuelle Beart.

Pas la peine de se retourner
Sur le tableau décroché
La craie s'efface
Y'a plus de traces


... Et le sable efface sur le sable les pas des enfants désunis... C'est une chanson qui nous ressemble ... ou pas. Parfois les mots ne sont pas de craie, mais de sang et de larmes; ils sont corrodés sur le tableau et perdurent.

Et moi je vis ma vie
A pile ou face
Tous mes sentiments
A pile ou face
Indifféremment
A pile ou face
Et de temps en temps
Un coup je passe
Un coup je casse


Quand j'avais 20 ans je passais et je cassais à bout de bras. Etait-ce le signe des temps, de la génération post-68 insouciante et délibérément détachée de tout? Ou était-ce une approche personnelle qui me poussait à tout prendre et ne rien laisser? Sans doute aussi.

Je veux vivre ma vie
A pile ou face
Mes amours se jouent
A pile ou face
Dans un léger flou
A pile ou face
Je risquerai tout
Un coup je m'égare
Un coup je me gare


Je me suis garée. J'aime bien mon emplacement. Je peux donner un petit coup d'accélérateur de l'avant, de l'arrière: j'ai de la place. Quand je m'égare c'est de la faute des mots. Les mots m'emmènent parfois par delà les limites, dans des zones d'ombres cassées et de coloriage. Les mots, déguisés en amis, sont aussi mes plus féroces ennemis.

Chaque jour devant ma glace
Je vois des rêves qui passent
Et qui s'effacent
C'est le temps qui se cache


Le temps ne se cache pas quand on vient d'avoir 50 ans. Le temps est là . Quand ma mère avait 50 ans elle était sur ses jambes, pour 12 ans encore. Quand ma sœur avait 50 ans elle était en bonne santé pour 6 ans encore. Non, non, je n'y pense pas. Je vivrai sur mes jambes et avec toute ma tête très très longtemps. Oui il vaut mieux parfois que le temps se cache et ne nous égrène pas des calculations imbéciles et morbides.

Mais moi je vis ma vie
A pile ou face
toutes mes émotions
A pile ou face
Chaque sensation
A pile ou face
Sans hésitation
Un coup je passe
Un coup je casse


Heureusement qu'il y a le refrain. Bon ... avec le temps j'ai appris à freiner. Ou à passer sans casser. Ou à casser et assumer. Ou à assumer et écrire sur le tableau, les doigts tout tachés d'encre bleue:

Il me semble qu'il n'y a eu dans toutes les circonstances
Rien d'autre que mon amour sur tout comme un grand tilleul ombreux
Rien d'autre que mon amour qui tremble comme un joueur heureux
Il me semble qu'il n'y a eu que mon amour dans l'existence.
(Aragon, Le roman inachevé)



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lundi 15 janvier 2007

Jeu déblogue

Il y a des jours de déblogue où les mots sont impuissants à combler le vide. Il y a des jours de dérapage incontrôlé où les mots ne réparent rien; ils se contentent de venir dans toute leur modestie contre ma joue, contre ma main. Ils ne disent rien, ils connaissent leur place. Ils respectent la cassure du cœur et les bras qui furent lourds autrefois de baisers, lourds à présent de leur absence.

C'est Reggiani qui chantait dans "l'absence":

D'un enfant, d'un amour
L'absence est la même
Quand on a dit je t'aime
Un jour...
Le silence est le même.



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jeudi 11 janvier 2007

On casse les prix

En France, les soldes débutent aujourd'hui. Il existe dans ce pays occidental civilisé une législation sur les soldes. On casse les prix, on casse la tirelire, mais on ne casse pas les conventions. Surtout pas les conventions.

En Israël les soldes ne sont pas règlementées. Cela n'étonnera personne ... Chez nous on solde toute l'année, c'est à dire que le consommateur israélien est continuellement sollicité par des pancartes du genre « 70% de réduction » ou « 365 jours de soldes ».

Le principe consiste à gonfler les prix au maximum, les doubler ou les tripler carrément par exemple, pour ensuite sortir les pancartes affirmant qu'une énorme réduction sur la marchandise a été opérée. Et oui ... on nous prend pour des imbéciles. Le consommateur israélien est un des moins éduqué dans le monde occidental. Il existe une seule association de consommateurs et quelques programmes de télé à sensation qui dénoncent les abus sérieux. Mais au quotidien, le consommateur israélien sort de chez lui très peu protégé.

Pourquoi? Ah ... on se le demande ... Les interprétations sont multiples. On dit l'israélien de base très préoccupé ... mais ce sont des sornettes. Quand il le faut les israéliens savent se mobiliser et se battre; c'est peut-être là justement que le bat blesse. Après 59 ans d'existence Israël en est encore à ses balbutiements en ce qui concerne la protection du consommateur tandis qu'elle offre sur le marche international des drones (avions sans pilote) capables d'assurer la sécurité de populations entières.

Tout ce que cette citoyenne demande c'est des pratiques commerciales un peu plus honnêtes envers une population qui trime au minimum 45 heures par semaine, carbure à un taux de croissance de 3,9 % tout en servant activement dans l'armée jusqu'à l'age de 48 ans et pour ses bons services se ramasse des salaires dignes de l'Europe de l'Est et des prix copiés sur l'Europe de l'Ouest. De plus quand on pense que toute la classe moyenne israélienne est imposée au même barème que Johnny Hallyday, on se demande pourquoi elle ne skie pas tranquillement à Gstaad la moitie de l'année au lieu de se taper des fausses soldes toute l'année.


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mardi 9 janvier 2007

Encore Léonard

J'avais 12 ans à peine quand Léonard Cohen chantait Suzanne:

"And you want to travel with her
you want to travel blind
and you know that you can trust her
for she's touched your perfect body
with her mind"


Avec ces mots-là et mai 68 comme décor ... Grandir semblait aussi simple que de laisser la rivière répondre :

"And just when you mean to tell her
that you have no love to give her
she gets you on her wavelength
and she lets the river answer
that you've always been her lover"


Ah ... Léonard ... Je l'ai perdu de vue sans véritable explication, par négligence pure et simple, par trahison. A 14 ans je découvrais plutôt nos mots d'amour de Polnareff: "Non ce n'est pas l'amour qui fait les histoires d'amour, ce n'est pas ça toujours, on peut aimer, oui, sans amour". Vous parlez d'une éducation sentimentale ... Nous étions loin des souffrances du jeune Werther.

Heureusement la maison vide et la chambre vide furent vite supplantées par la liberté de Moustaki, le bel age de Barbara, la petite fugue de le Forestier et pour couronner le tout, le premier amour du monde de Reggiani. Ces compositeurs maniaient la langue et la musique dans un même souffle et me murmuraient dans l'oreille des idées un peu plus romantiques. Ah comme j'aimais Reggiani quand il chantait:

"Je t'aime
Toi qui ne seras jamais
Une grande personne
Ne me quitte jamais
Je t'aime"


Un jour, dans les années 90, j'ai redécouvert Léonard. Je ne sais plus comment ni à quelle occasion. Sa voix caverneuse résonna de nouveau dans ma maison, comme celle d'un grand frère qui se serait exilé et serait revenu pour se reposer. En 1992 Léonard écrivit Anthem.

"Ring the bells that still can ring.
Forget your perfect offering.
There is a crack in everything.
That's how the light gets in."


Il y a une déchirure en toute chose.
C'est ainsi qu'entre la lumière.


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samedi 6 janvier 2007

Juste une danse

Le matin vers 6h30, une tasse de café dans la main et un ou deux chats sur les jambes, il m'arrive de regarder un film à la télé au lieu de regarder les actualités. Cette décision matinale offre quelques avantages:

1. Si une guerre a éclaté après que le Guerrier Ottoman soit parti au travail (6h30, heure officielle), je ne suis au courant de rien. Cela m'épargne beaucoup de stress.

2. S'il y a déjà la guerre et ce matin-là les médias israéliennes, toujours à l'affut de pratiques auto-destructrices, annoncent que nous l'avons perdue, je suis affairée à regarder "Le dernier gladiateur" ou "la princesse guerrière", donc je m'en fous.

3. Rien de tel qu'un mauvais film pour commencer la journée. C'est une étape à partir de laquelle vous ne pouvez que progresser.

4. Les films de 6h du mat offrent parfois au creux de leur médiocrité une véritable perle, un petit bijou sémantique ou philosophique sorti du cerveau d'un scénariste talentueux mais relégué aux séries B.

C'est ce qui m'est arrivé ce matin ... A la fin du film, la belle et courageuse princesse guerrière ayant détruit son cruel ennemi se trouve face à face avec le noble et courageux guerrier qui la si loyalement épaulée dans sa mission. La princesse lui dit d'une voix lasse qui en est revenue, des guerres, des défaites, des trahisons, de tout quoi ... "je n'ai pas besoin d'homme vous savez". A vrai dire on s'en doutait un peu ... elle est du genre à laver sa vaisselle et jeter ses poubelles toute seule, comme une grande, à la fin de la journée. Il lui répond "Je sais que vous n'avez pas besoin d'homme, je voulais juste vous proposer une danse".

J'ai trouvé ce message humoristique et philosophique à la suite d'échanges de glaives et lance-marteaux, tout a fait rafraichissant. Juste une danse: c'est ce que homme et femme se doivent après tous ces combats sanglants, ces maisons brûlées, ces enfants égorgés, ces têtes décapitées. Juste une danse ....

C'est Léonard Cohen qui chantait "Take this Waltz":

In the cave at the tip of the lily,
in some hallway where love's never been.
On a bed where the moon has been sweating,
in a cry filled with footsteps and sand --
Ay, ay, ay, ay
Take this waltz, take this waltz,
take its broken waist in your hand.



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jeudi 4 janvier 2007

Affaires personnelles

En l'an 2001 je perdais un être des plus chers. Celle qui remplaça ma mère et celle qui fut ma meilleure amie et complice dans les meilleurs et les pires moments. Elle s'appelait Rosalie mais je l'appelais "Mom". She was my mom et aussi la mère du Guerrier Ottoman.

Après le décès de Rosalie mon mari et moi allèrent dans son appartement pour arranger ses affaires. Jusqu’à maintenant nous n'avions pas eu le courage de vraiment faire le tri de tout, seulement l'essentiel. Le Guerrier Ottoman travaillait à vider la cuisine, moi j'étais dans la chambre à coucher. En triant les affaires personnelles de Rosalie des pensées diverses carambolaient dans ma tête. Comme j'aurais voulu qu'elle ait laissée des instructions pour chacun des objets que je touchais. J'avais peur de me débarrasser de quelque chose qui lui était cher.

C'est ainsi qu'en pliant ses vêtements, faisant le tri de ses napperons, ses écharpes, ses draps, ses serviettes de toilette, ses produits de maquillage, ses aiguilles à tricoter, ses pelotes de laine, un miroir qu'elle n'avait pas sorti de son emballage, une tringle à rideau qu'elle n'avait pas utilisé, sa machine à écrire, ses chaussures, son parfum ... je pensais à ce que je laisserai un jour derrière moi et comment mes enfants feraient le tri de mes affaires.

Comment sauraient-ils distinguer de toutes les nappes, celle en partie déchirée et moisie que ma mère m'avait achetée pour mon 19e anniversaire? Sauront-ils que c'est le dernier cadeau que ma mère fut capable de m'acheter elle-même avant son hémiplégie? Comment sauront-ils distinguer entre tous les livres le seul livre et aussi le seul objet qu'il me reste de ma maison? Pourront-ils voir qu'il s'agit d'une édition 1920 des "Liaisons dangereuses" de Laclos et qu'il n'a jamais quitté mon chevet?

Jetteront-ils également ce livre de poche de Pulitzer "Hannah" que je garde à côté des "Liaisons dangereuses" parce que c'est le livre que ma mère lisait le jour de sa mort? Comment sauront-ils déterminer entre toutes mes babioles que cette bague en émail vert est la première bague que j'ai reçue, à l'âge de 11 ans (cadeau de ma grande sœur Mali). Parmi ma belle collection de théières sauront-ils repérer laquelle est ma favorite, celle que j’ai reçue lors d’une fête d’anniversaire improvisée dans une chambre de la clinique de Juvisy en novembre 1976? Se souviendront-ils que c'est Mali encore qui me donna cette théière et qu'elle inaugura ma collection? Quand ils trouveront ce paquet de gauloises vide, comment pourront-ils savoir qu'il s'agit du dernier paquet de gauloises que mon père a fumé en 1972?

En feuilletant les albums de photos de Rosalie je pensais aux photos du mariage de mes parents totalement inexistantes et à la photo de mes grand parents paternels qui existe dans mon imagination uniquement. Je n'ai jamais vu le visage de mes grand parents, ni jamais eu aucun souvenir physique de leur existence, pas un bijou, pas un napperon brode. Aucune trace... si ce n'est moi-même, mes sœurs et frère, mes neveux et nièces, mes petits-neveux et mes petites nièces; nous sommes leur unique trace. Les affaires personnelles qu'ils ont laissées dans leur tiroirs, leurs vêtements, leurs bijoux, leurs livres, c’est nous.


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mardi 2 janvier 2007

Histoire de mots: fin

Déjà ma mémoire me fait défaut. Je ne sais lequel fut le dernier livre. Le dernier livre que Mali me donna. Etait-ce "Au dessus du volcan" de Malcom Lowry, ou bien "Cavalerie rouge" d'Isaac Babel? C'était peut-être "Le ravissement de Lol V.Stein" de Marguerite Duras... Dès la fin des années 80, je lisais moins. Mes enfants me prenaient toute mon énergie, toute mon imagination, tous mes désirs. Les livres m'avaient nourrie et c'était à moi de nourrir à présent. J'étais devenue moi-même une machine à donner la vie, à montrer le chemin, à élargir l'esprit.

Mali m'avait accompagnée et guidée à travers les livres jusqu'à ce que je fus moi-même digne et capable de transmettre. Oui, grâce à elle, j'ai sur mes étagères, tout Francois Mauriac, tout Michel Tournier, Simone de Beauvoir et J.P Sartre. Malraux également qui voisine , on ne sait pourquoi, avec Antonin Artaud et Pierre Jean Jouve. Ces lectures sont bien anciennes et bien enracinées ...

Me voilà telle une cavalière sans monture, tel un aviateur sans étoiles, telle une acrobate sans filet. Mais je prends les livres sur les étages poussiéreuses, je les tourne dans ma main, je les ouvre et je me dis à moi-même dans le silence: "les mots, les mots sont encore vivants".

Mon ouvrage favori restera "S/Z" de Roland Barthes, analyse datant de 1970 de la mystérieuse nouvelle de Balzac "Sarrasine". Barthes disait "Interpréter un texte, ce n'est pas lui donner un sens (plus ou moins fondé, plus ou moins libre), c'est au contraire apprécier de quel pluriel il est fait".


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lundi 1 janvier 2007

Histoire de mots III

J'ai beau me creuser la tête, je n'arrive pas à me souvenir à quelle occasion Mali me fit cadeau des cinq volumes des mémoires de Simone de Beauvoir. Je crois que j’étais jeune mère, donc cela devait être vers le milieu ou la fin des années quatre-vingt.

En cette fin d’année grégorienne, mes lecteurs sont sans doute réunis en famille, loin de leurs lectures blogéennes. Je me contenterai donc de reproduire ici ce que j'ai trouvé imprimé sur le dos du dernier volume des mémoires de Beauvoir, "Tout compte fait".

"Dissiper les mystifications, dire la vérité, c'est un des buts que j'ai le plus obstinément poursuivis à travers mes livres. Cet entêtement a ses racines dans mon enfance; je haïssais ce que nous appelions ma sœur et moi la "bêtise": une manière d’étouffer la vie et ses joies sous des préjugés, des routines, des faux-semblants, des consignes creuses. J'ai voulu échapper à cette oppression, je me suis promis de la dénoncer."

Tout compte fait, quand les livres sont lus et les pasionarias endormies, nous sommes les héritiers d’idées, de révoltes et d'espoirs.


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samedi 30 décembre 2006

Histoire de mots II

"Mein Vater, mein Vater, und hörest du nicht,
Was Erlenkönig mir leise verspricht?
-Sei ruhig, bleibe ruhig, mein Kind;
In dürren Blättern säuselt der Wind."


J'entamais ma terminale lorsque Mali me parla d'un livre qui l'avait fascinée: "Le Roi des aulnes" de Michel Tournier. Publié en 1970 et récipient du prix Goncourt je ne sais guère pourquoi ce livre mit trois ans pour atterrir sur mes genoux. Mais à vrai dire je le sais bien. Il fallut attendre que j'ai 17 ans ... Ce livre me fit un peu de mal et beaucoup de bien.

Je séchais trois jours de lycée pour lire le bouquin dans un troquet reclus de Châteauroux. Pourquoi un troquet reclus? Tout simplement parce que je voulais moi-même devenir recluse et échapper au regard des habitués des cafés que je fréquentais dans la ville. Il me fallut le reste de la semaine pour digérer l’évènement qui venait de me frapper. Le héros du "Roi des aulnes" était un porteur, un transporteur d'enfants et moi je me sentais portée vers le passé et transportée dans ma vie présente.

Après le "Roi des aulnes" je lus "Vendredi ou les Limbes du Pacifique" mais n'en sortais pas subjuguée. En 1975 Mali me donna à lire "Les Météores" qui venait d’être publié. C'est ainsi que je me découvrais une fascination sans borne pour le thème de la gémellité, les identités dédoublées et par extension toutes les questions identitaires. Mali avait beaucoup aimé "les Météores" mais je n'ai pas le souvenir d'avoir eu avec elle des discussions littéraires. Elle me tendait les livres à lire comme une mère tend à son enfant une tartine au fromage en pensant en son for intérieur "ça lui fera du bien ...".


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vendredi 29 décembre 2006

Histoire de mots I

Mes meilleurs amis furent toujours les mots. Aujourd'hui encore et surtout, ils me soutiennent. Je ne suis pas très regardante il est vrai. Je me fiche bien qu'ils me parlent d'un bouquin de 700 pages en hébreu, d'un journal du weekend en anglais ou de la bouche d'une amie, une nièce ou un beau-frère en français. Non non, je ne leur en veux pas d’être si capricieux, si dispersés, si encombrants parfois. Tous ces mots me font du bien.

Les premiers mots que je sus lire furent "abba ba", ce qui veut dire traduit de l’hébreu, "papa vient". Cela ne m’étonne pas trop en fait d'avoir su lire d'abord en hébreu, même si j'oubliais plus tard ces toutes premières acquisitions. Papa venait et puis un jour il est parti et c’était un peu tôt, oui oui, un peu tôt, j'avais 24 ans. A l’époque je pensais que j’étais déjà une grande dame adulte mais les années passant je sais maintenant que j’étais bien petite et bien démunie sans mon papa.

Ma carrière linguistique s’annonça en grandes pompes lorsque je réussis à lire mon premier mot en français et à la stupéfaction de tous il s'agissait du mot : "écureuil". Tout le monde dans la famille se tordait de rire. Et pourtant, oui oui, c’était vrai. Mon premier mot lu en français fut "écureuil". Les méchantes langues y verront déjà une prédisposition à faire compliqué quand on peut faire simple ...

Cet année la, en 1962, la bibliothèque rose publia une traduction du livre de Enid Blyton "Nod the Head". Ma grande sœur Mali arriva un vendredi à Châteauroux avec le livre en français dans la main, "Oui-Oui au pays des jouets". Elle me le donna. C’était mon premier *vrai livre*. Je montais dans ma chambre au premier étage et lisais. Je me souviens encore d'une illustration ou Oui-Oui avait embarqué dans un train vers le pays des jouets et saluait joyeusement ses amis de la main. Plus tard je suis redescendue. Mali était assise près de la table de la salle à manger. Je lui ai rendu le livre. Elle me regardait intriguée. " Je l'ai fini, j'en veux un autre" lui dis-je. Elle riait, elle riait... "Je t'en achèterai un autre" dit-elle. Et elle riait encore, les yeux noirs lumineux, la bouche rouge et vive, oui oui, une vraie princesse d'orient.


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mercredi 27 décembre 2006

Mali Herzberg z"l

Mali Herzberg née Wajzer, Chevalier de l’ordre national du Mérite, est décédée à l’âge de 70 ans, le 14 décembre 2006 à la suite d’une longue maladie.

Un blog dédié à Mali se trouve sur http://maliherzberg.blogspot.com/

J'ai prononcé ces quelques mots lors de ses obsèques, le lundi 18 décembre 2006 au cimetière de Fontenay-sous-Bois.

Mali, ma chère sœur, plus que ma sœur,

Tes derniers mots pour moi furent « Au revoir ma chérie ».
Au revoir Mali, toi qui fut pour ton frère et tes sœurs tout à la fois un pilier et un guide. Qui d’entre nous n’a connu l’indécision et ne s’est trouvé à la croisée des chemins ? Mali nous tenait la main, nous soutenait, nous portait vers des décisions difficiles. Mali savait montrer le chemin sans porter de jugement. Tout simplement elle était là pour nous avec l’amour, la patience et la générosité d’une sœur.

Lorsque Mali reçut sa médaille du mérite elle dit dans son discours « Je remercie mes deux jeunes sœurs Geneviève et Nathalie qui sont venues spécialement d’Israël pour m’aider à transporter ma médaille ». Longtemps je me suis demandée « Mais … Qu’est ce que ça veut dire « transporter une médaille » ? Aujourd’hui nous sommes venues d’Israël ma sœur et moi pour t’aider à transporter plus que ta médaille, Mali, plus que ta médaille, mais toute ta vie et tous tes mérites.

Le mérite de t’être occupé de ton petit frère quand vous étiez cachés, seuls, et que papa était prisonnier si longtemps. Plus tard le mérite d’avoir fait pénétrer dans une famille en deuil de la Shoah la lumière de la Torah et la célébration d’un judaïsme « enfin » vivant. Nous, nos enfants et petit-enfants t’en sont à jamais reconnaissants. Aussi et surtout, le mérite d’avoir pris maman sous ton aile après le décès de papa. Une lourde responsabilité, un grand sacrifice.

C’est maintenant la dernière heure, le dernier moment. Nous te demandons mehila d’être parties vivre loin de toi et de t’avoir laissée porter les charges les plus lourdes. Mais ton rôle de guide et conseillère ne s’arrête pas aujourd’hui pour autant. Il ne s’arrêtera jamais.


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vendredi 15 décembre 2006

La récompense

Il était une fois un Juif hassid du nom de Nahum qui vivait au numéro 19 de la rue Gesia dans le ghetto de Varsovie. Nahum, qui dirigeait le comité de l'immeuble, dut abandonner ses activités car il souffrait du typhus. Nous étions en l’année 1942 et Nahum avait été le témoin d'événements qui le portaient à croire que tous les Juifs seraient éradiqués de Varsovie, de Pologne et peut-être même du monde entier. Il avait en vérité perdu tout espoir.

Il mourut ... mais avant qu'il ne délivra son dernier soupir un ange se pressa à son chevet il lui déclara:
- Pas si vite, vous avez oublié votre récompense.
L'ange présenta ensuite au Hassid ses descendants: il vit de jeunes femmes avec des bébés sur les bras, des gamins portant des taliths sous leur chemises. Il vit des hommes performant la bénédiction des Cohens à la synagogue. Il en vit d'autres penchés sur les pages du Talmud dans une magnifique salle d’étude à Jérusalem.

- Mes descendants sont à Jérusalem? le Hassid était interloqué.
Il vit son arrière-petit-fils, un rabbin dans l’armée israélienne.
- Un rabbin dans quelle armée? Je n'ai pas bien compris, de quelle armée ...

Il vit un autre jeune homme, la stature droite, le regard bleu perçant; c'était un soldat israélien menant un berger allemand d'une main, une arme automatique dans l'autre.
- Un chien? Gewalt, un chien ...

Il vit des médecins, des ingénieurs, des artistes, des enseignants, des hommes d'affaire, des travailleurs sociaux, des économistes, des juristes. Ils étaient tous ses descendants autour du monde.

- Mais on fait déjà glisser mon corps dans la fosse! Je vais disparaître...
Ce jour-là dans le ghetto, c’était la première fois que deux fosses communes durent être creusées pour accommoder le nombre grandissant de cadavres.

- Non, vous ne disparaîtrez pas, lui dit l'ange. J'ai désigné quelqu'un pour transporter votre âme et joindre le futur pour vous.
- Ne me dites pas que c'est mon fils Lejbele, c'est un vrai voyou, on ne peut pas compter sur lui et si j’étais vous je n'aurais pas ...

- Non, c'est moi qui m'en chargerai, dit-elle.
- Schein Maidele, tu n'es pas encore née, dit le vieil homme.
- Mais si justement je suis née. Je suis née à l'instant où tu es mort. Je suis allongée près de toi dans cette fosse qu'ils ont creusée pour toi et les autres milliers de morts dans le ghetto aujourd'hui. Mais attends, sois patient ... Dans 14 ans je rentrerai dans le monde matériel, il me donneront ton nom et tout ce que mes yeux verront tu le verras aussi. Ta récompense, c'est cela.

- Je peux te poser une question? Dit le Hassid.
- Oui?
- Je me trompe ou j'ai vu parmi mes descendants un soldat avec un berger allemand?
- Le chien est un berger belge, le soldat, et bien ... le soldat c'est mon fils. Et il a le nom de mon père, c'est a dire ton fils, tu sais ... Lejbele ... Mais je t'expliquerai plus tard, tu comprendras plus tard, d'accord?
- Je veux comprendre maintenant!!" le Hassid avait tonitrué du fond de sa tombe. "MAINTENANT!!
- Et bien je vois d’où mon fils tient son sale ca ... sa ténacité ... Bon, alors je vais essayer de te dire çà simplement et sans détours: en 1948, un état juif sera déclaré. Son nom sera l’état d’Israël ...
Nahum écouta du fond de sa tombe l’histoire de cette épopée bien improbable encore à ses yeux car l'odeur des cadavres avait imprégné son sang. Mais elle, elle ne perdit pas confiance et continua son récit jusqu’à ce qu'il reprenne espoir. 


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mardi 12 décembre 2006

Je peux, je ne peux pas


Qui peut faire de la voile sans vent ?
Qui peut ramer sans rame ?
Et qui peut quitter son ami
Sans verser de larmes?

J'ai chanté cette chanson dans les colonies de vacances. A vrai dire je fréquentais peu ces congrégations d'enfants car mes parents n'ont jamais trouvé bien rassurant de voir leur fille embrigadée dans des activités de groupe qui commençaient généralement par un long trajet en train. C'est ainsi pourtant que je fus expédiée "pour mon bien et mon éducation" vers de plus blancs pâturages.

A l'âge de 11 ans je roulais donc vers la Suisse un hiver, où j'apprenais le patinage artistique et me faisais un petit copain du nom d'Emmanuel (c'est hallucinant comment je fais pour me souvenir de son nom ...). C'est le moment de faire une confession qui je l’espère n'offusquera personne: dans ma prime jeunesse, ayant une peur insurmontable des femmes, filles, fillettes et tout ce qui ce rapporte à çà, je n'avais que des amis hommes, garçons, gamins et ainsi de suite. Des l'âge de 3 ans, terrifiée par les petites filles je m’étais fait à la maternelle un petit copain du nom de ... bon j'ai oublié son nom ...

Dans la foulée de cette colo hivernale à Leysins je partais en été à Ulrichen, une autre destination suisse que les associations juives semblaient aimablement parrainer. A Ulrichen j'apprenais à monter à cheval en montagne. Ayant été reléguée par erreur dans le dortoir des filles, je souffrais de leur méchanceté, mesquinerie, superficialité. Cette promiscuité entre filles était une grande épreuve pour moi.

Je peux faire de la voile sans vent,
Je peux ramer sans rame
Mais ne peux quitter mon ami
Sans verser de larmes.

Plus tard j'ai grandi. Je suis partie avec le DEJJ en Israël. J’étais totalement inadaptée à cette coterie de petits juifs branchés sur rien ou presque. J'avais 14 ans et demi et connaissais tout Garcia Lorca par cœur. On sortait en boite. Je trouvais cela ubuesque. Les lumières disco douloureusement clignotantes me donnaient la nausée. Écrasée par l'ennui et l’inactivité je buvais de la vodka quand les moniteurs avaient le dos tourné.

Les yeux kholés, en grands cheveux et robe mauve, j'observais calmement les circonvolutions des seules créatures en ce monde qui m’intéressassent vraiment. Après tout, Lorca lui-même avait aimé les hommes. Il ne pouvait pas avoir complètement tort... J'observais encore, mais plus pour longtemps.


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dimanche 3 décembre 2006

8 femmes I: Message personnel

J'inaugure la série "8 femmes" avec la chanson de Françoise Hardy (paroles) et Michel Berger (musique).

Je me demandais si c’était seulement moi ... mais au téléphone je suis moins assertion que dans le face à face. Je crois que je suis de ces personnes qui ont besoin de croiser un regard pour déterminer où elles en sont avec l'interlocuteur.

"Au bout du téléphone, il y a votre voix
Et il y a des mots que je ne dirai pas
Tous ces mots qui font peur quand ils ne font pas rire
Qui sont dans trop de films, de chansons et de livres
Je voudrais vous les dire
Et je voudrais les vivre
Je ne le ferai pas,
Je veux, je ne peux pas"

Par contre le texto c'est une autre affaire... Le monde du SMS est pour moi un petit laboratoire de rêves compact où je peux dire n'importe quoi sur n'importe quoi sans réfléchir aux conséquences de mes dires... Une retombée en enfance, un galop magistral à la source du permis / interdit? Et oui et oui et oui ... Je vous le dis.

"Je suis seule à crever, et je sais où vous êtes
J'arrive, attendez-moi, nous allons nous connaître
Préparez votre temps, pour vous j'ai tout le mien
Je voudrais arriver, je reste, je me déteste
Je n'arriverai pas,
Je veux, je ne peux pas
Je devrais vous parler,
Je devrais arriver
Ou je devrais dormir
J'ai peur que tu sois sourd
J'ai peur que tu sois lâche
J'ai peur d'être indiscrète
Je ne peux pas vous dire que je t'aime peut-être"

J'ai eu mon heure avec ICQ. J’étais un danger public. Il m'a fallu arrêter cold turkey avant qu'on m’enrôle de force dans le programme des 12 steps. D'ailleurs depuis je n'utilise plus aucun messenger, chat et cie.

"Mais si tu crois un jour que tu m'aimes
Ne crois pas que tes souvenirs me gênent
Et cours, cours jusqu'à perdre haleine
Viens me retrouver
Si tu crois un jour que tu m'aimes
Et si ce jour-là tu as de la peine
A trouver où tous ces chemins te mènent
Viens me retrouver
Si le dégoût de la vie vient en toi
Si la paresse de la vie
S'installe en toi
Pense à moi
Pense à moi"

Reste le bon vieux , presque vieux email. Je m'y laisse moins aller à rêver, manipuler, je suis moins tentée de séduire. Je suis moins pressée, moins poussée par l'urgence du media.

"Mais si tu crois un jour que tu m'aimes
Ne le considère pas comme un problème
Et cours, cours jusqu'à perdre haleine
Viens me retrouver
Si tu crois un jour que tu m'aimes
N'attends pas un jour, pas une semaine
Car tu ne sais pas où la vie t'emmène
Viens me retrouver
Si le dégoût de la vie vient en toi
Si la paresse de la vie
S'installe en toi
Pense à moi
Pense à moi".

Et puis il y a mon blog, terrain réservé, terrain partagé. Calme ou frémissant. Serein ou trouble. Souriant ou ombragé. Je le partage, il est pour moi et pour nous.

Mais si tu...


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jeudi 30 novembre 2006

Ma vie est à partir de toi

Il y a un endroit d’où je pars pour venir. L'endroit où je quitte ceux que j'aime pour aller vers ceux que j'aime. Un départ arrachement qui ne veut pas pleurer, un retour lumineux dans le creux de ma vie.

Le jour où je suis partie j'ai lu ce poème d'Aragon. Je ne l'ai pas tronqué; il parle pour moi d'amours passées, d'amours présentes, de cette partie en moi vivante et cette part en moi qui part et s'attarde dans sa fuite à presser encore une main, chanter quelques chansons d'amour, à revenir et puis partir.

L'amour qui n'est pas un mot

Mon Dieu jusqu'au dernier moment
Avec ce coeur débile et blême
Quand on est l'ombre de soi-même
Comment se pourrait-il comment
Comment se pourrait-il qu'on aime
Ou comment nommer ce tourment

Suffit-il donc que tu paraisses
De l'air que te fait rattachant
Tes cheveux ce geste touchant
Que je renaisse et reconnaisse
Un monde habité par le chant
Elsa mon amour ma jeunesse

O forte et douce comme un vin
Pareille au soleil des fenêtres
Tu me rends la caresse d'être
Tu me rends la soif et la faim
De vivre encore et de connaître
Notre histoire jusqu'à la fin

C'est miracle que d'être ensemble
Que la lumière sur ta joue
Qu'autour de toi le vent se joue
Toujours si je te vois je tremble
Comme à son premier rendez-vous
Un jeune homme qui me ressemble

M'habituer m'habituer
Si je ne le puis qu'on m'en blâme
Peut-on s'habituer aux flammes
Elles vous ont avant tué
Ah crevez-moi les yeux de l'âme
S'ils s'habituaient aux nuées

Pour la première fois ta bouche
Pour la première fois ta voix
D'une aile à la cime des bois
L'arbre frémit jusqu'à la souche
C'est toujours la première fois
Quand ta robe en passant me touche

Prends ce fruit lourd et palpitant
Jettes-en la moitié véreuse
Tu peux mordre la part heureuse
Trente ans perdus et puis trente ans
Au moins que ta morsure creuse
C'est ma vie et je te la tends

Ma vie en vérité commence
Le jour que je t'ai rencontrée
Toi dont les bras ont su barrer
Sa route atroce à ma démence
Et qui m'as montré la contrée
Que la bonté seule ensemence

Tu vins au coeur du désarroi
Pour chasser les mauvaises fièvres
Et j'ai flambé comme un genièvre
A la Noël entre tes doigts
Je suis né vraiment de ta lèvre
Ma vie est à partir de toi


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